Sa vie

Gunnar Nilsson est né à Karlskrona, en Suède, le 17 Avril 1904, avant-dernier d'une famille de dix enfants. Son père est officier à la Défense côtière. Dès sa petite enfance, il s'est exercé à peindre et à sculpter. Après l'enseignement primaire, il a suivi les cours d'une école locale d'arts décoratifs. Il s'est fait remarquer par des sculptures animalières.

À dix-sept ans, il émigre avec ses parents à Finspang, ville industrielle du centre de la Suède. Il commence à gagner sa vie tout en consacrant ses ses heures de loisir à la sculpture. Il sculpte un aigle, puis des ½uvres nées de sa fantaisie : animaux préhistoriques, « trolls », et autres représentations du folklore suédois. Un ami lui fait connaitre Rodin, Bourdelle, Carl Milles, Vigeland. Il achète des livres d'art, effectue un voyage à Stockholm où il visite le Musée National. Il commence à travailler d'après modèle : son père, sa s½ur, ses amis posent pour lui. Il réalise des portraits, ainsi qu'une étude de nu. Il expose dans la vitrine d'une librairie de la ville, ce qui lui vaut quelques articles dans la presse locale.

À vingt-trois ans, il attire l'attention d'un riche industriel : Erik Lindgren. Il est, pour ainsi dire, adopté par cette famille. C'est elle qui mobilise les notables, amateurs d'art, de cette ville industrielle, qui vont se cotiser pour lui payer des études. Le sculpteur, Carl Eldh, qu'il consulte, lui conseille de négliger Stockholm et de se rendre immédiatement à Paris, le grand centre artistique, à cette époque.

Après avoir obtenu un sursis, il accomplit son service militaire dans les bureaux de la Marine, à Karlskrona. Il en profite pour prendre des leçons de français.

Enfin, le 1er janvier 1928, il arrive à Paris et se rend directement à l'Église Suédoise, où le Pasteur Bjurström lui fait bon accueil. Bjurström deviendra et restera son protecteur et son ami, jusqu'à sa mort.

Il s'inscrit d'abord à l'Académie Scandinave, où il rencontre d'autres compatriotes. C'est Despiau qui y enseigne. L'artiste lui conseille d'étudier la nature avant tout, d'essayer humblement de trouver, chaque fois, le caractère du modèle. Au bout de quelques mois, il rejoint l'Académie Jullian.

Très vite remarqué par son professeur, Niclausse, il obtient la gratuité des cours, privilège qu'on lui renouvellera pendant plusieurs années. Là, il peut étudier d'après des modèles nus. Après un court séjour à l'hôtel, il réussit à louer un atelier au confort plus que rudimentaire. Là, il travaille la glaise, de mémoire, après les séances de travail de l'Académie Jullian. Il fréquente également le Jardin des Plantes et sculpte des animaux.

Cependant, au bout de deux ans, les subsides que lui procurait la ville de Finspang cessent. Réduit à l'aide épisodique que lui envoie, de temps en temps, sa famille, il connait des temps difficiles. Cependant, il garde son atelier et y travaille. Pendant un an, il reçoit d'ailleurs une aide anonyme. Le mystérieux donateur se révèle être, plus tard, le Prince Eugène, frère du roi de Suède et peintre de talent.

Il fréquente les artistes de Montparnasse, qui se réunissent au Dôme ou à La Rotonde, cependant il ne participe pas aux mouvements qui vont révolutionner l'art et aboutir à l'art moderne ou à l'art abstrait. Son inspiration est toute classique : la Grèce archaïque, l'Égypte, le Gothique, la Renaissance italienne. Il visite assidûment les musées.

Il se lie avec différentes personnalités de la Colonie Suédoise de Paris, en particulier avec Gunnar Lundberg, directeur de l'Institut Tessin. Il réalise des bustes : Mona Lundberg, la danseuse étoile Carina Ari, le graveur Fridell. Il a exposé au Salon des Indépendants en 1928 et au Salon des Artistes Français en 1930.

En 1933, sur invitation de Despiau, il expose au Salon des Tuileries une femme en plâtre, grandeur nature, qui attire l'attention de la critique, en particulier celle de Camille Mauclair. À compter de cette date, il exposera régulièrement au Salon des Tuileries. C'est à cette époque que Despiau aurait voulu le présenter comme candidat au Prix de Rome, mais n'étant pas de nationalité française, Gunnar Nilsson ne peut pas concourir.

Il épouse une Française, Sylvette Mendousse, professeur agrégée de Lettres, qui parle le suédois et s'intéresse à la Suède. Ce mariage lui donne l'assurance de pouvoir rester en France. Ils auront cinq enfants. Ces enfants seront pour lui une source importante d'inspiration, dès leur naissance, et au cours de leur croissance.

En 1935, il déménage dans un nouvel atelier, rue François Guibert dans le 15e arrondissement de Paris, dans un décor verdoyant, où il a pour voisins : Berthe Martinie, Cavaillon, Malfray, et le peintre suédois Erik Detthow. À proximité, habitent également Paul Cornet et Wlerick.

En 1936, il reçoit une importante bourse de la Suède, « l'Ester Lindall Stipendium ». Elle lui permet de voyager en Italie, où il visite notamment les musées de Florence et de Rome.

En 1937, il expose trois sculptures, au Pavillon Suédois de l'Exposition Universelle.

La même année, il s'installe au Chesnay avec sa famille dans une petite maison à la lisière d'une forêt. Il mènera une vie réglée, se rendant chaque jour à Paris pour y travailler dans son atelier, voir ses amis, courir les musées et les expositions. Il se fait construire un deuxième atelier au Chesnay, qu'il agrandira en 1951.

Entre 1934 et 1939, ses enfants posent pour lui. Il fait également la connaissance d'un très beau modèle : Marthe Candal. Il s'intéresse à la technique de la sculpture sur pierre. Il rencontre un technicien italien, Botti, qui sera toute sa vie son fidèle collaborateur. Ce dernier l'introduit dans l'atelier de Del Debbio, où un groupe d'artisans italiens sculpte des statues de saints pour les églises. Là, Gunnar Nilsson s'exerce à tailler la pierre et le marbre.

Pendant la guerre, il reste à Paris, sous occupation allemande. Il taille en marbre des têtes d'enfants, des statuettes de femmes, une maternité couchée. Mais en 1941, un malheur le frappe. Une soudaine cataracte lui fait perdre l'usage de l'½il droit. Il craint de devenir aveugle. Heureusement, l'½il gauche reste indemne. Il s'applique alors à acquérir la vision du relief avec un seul ½il.

Pendant cette période, il réalise le buste de son ami, le sculpteur Carl Frisendahl, celui de Lucien Maury, qui est au Musée National de Stockholm, celui du Consul Général Raoul Nordling, qui se trouve à l'Hôtel de Ville de Paris. Il sculpte également le bois : il exécute dans cette matière deux bas reliefs, pour l'Église Suédoise Sainte-Sophie à Paris.

Dès que les relations entre la France et la Suède sont rétablies, il se rend dans son pays. Les milieux artistiques lui réservent le meilleur accueil.

À compter de 1946, il partage sa vie entre la Suède, où il se rend chaque année, et la France, où il passe beaucoup plus de temps. Car, à l'exception d'un marbre, qu'il réalise en Suède, il effectue l'essentiel de sa production sur le sol français, même s'il vend ses ½uvres, essentiellement en Suède. Ses clients, ce sont avant tout des collectionneurs, tels le Major Palsson, dans les années cinquante, ou Burdin, dans les années soixante, ou encore des municipalités, qui achètent des statues de jeunes filles ou de jeunes femmes, pour orner des places, des jardins ou des monuments publics, des écoles ou des hôpitaux. Les premières se trouvent à Bräkne-Hoby et à Karlstad. La plus importante de ses réalisations, « La Fontaine de Blekinge », qui mesure trois mètres, se trouve dans le Parc de Hogland, à Karlskrona.

Il continue ses statues de jeunes filles. Ses modèles sont ses enfants, les enfants de ses amis, des étudiantes suédoises ou françaises. Il travaille également sur des animaux, élans et ours. Enfin, il fait des portraits : les ambassadeurs Boheman et Westman, le romancier français Roger Martin du Gard, le poète suédois Harry Martinson, le physicien et également Prix Nobel, Alfred Kastler. Ces personnalités du monde littéraire ou scientifique deviennent ses amis, surtout Roger Martin du Gard, dont il réalise sept bustes, entre 1947 et 1958, le dernier, après sa mort.

Il fréquente les autres artistes figuratifs de la capitale française, qui tiennent bon, devant la montée de l'art abstrait. En 1963, sous l'impulsion de la poétesse Juliette Darle, ils forment le « Groupe des Neuf » (Carton, Cornet, Damboise, Kretz, Indenbaum, Osouf, Corbin, Raymond Martin, Nilsson). Le groupe expose à la Galerie Vendôme, en janvier 1964. Il obtient un grand succès. Le « Groupe des Neuf » continue à exposer pendant plusieurs années (Terres Latines, au Musée Galliera, Formes Humaines, au Musée Rodin).

Il continue à exposer individuellement chez Simone Badinier, à Paris, et à la Galerie Blanche, à Stockholm. Il a le soutien d'éminents critiques, Maximilien Gauthier, Claude Roger Marx, Charles Kunstler, en France, Ragnar Hoppe, en Suède.

Il reçoit de nombreuses distinctions : Légion d'Honneur, en 1955, Médaille du Prince Eugène, en 1959, Ordre de Vasa, en 1965.

En 1965, il est élu à l'Académie Royale des Beaux-Arts de Suède. En 1966, il devient Membre Correspondant de l'Académie des Beaux-Arts de Paris. À ce titre, il assiste aux réunions de l'Institut de France.

En Suède, il a organisé une exposition pour Berthe Martinie, femme sculpteur de renom et, plus tard, une autre, pour l'éminent artiste et ami, Jean Carton. Il a exposé en compagnie des peintres Georg, Walch, Oudot, Savin et Erik Detthow.

En 1971, la rue François Guibert se trouve condamnée par un projet de rénovation du quartier et les artistes, qui y vivaient comme en famille, doivent se disperser. Gunnar Nilsson reste dans le 15e arrondissement de Paris où il y trouve un nouvel atelier, rue de l'Amiral Roussin.

Gunnar Nilsson continue à placer des statues en Suède : à Karlshamn, à Malmö, à Olofström, à Sölvesborg. Il vend ses ½uvres principalement dans sa province natale de Blekinge, à laquelle il reste très attaché. En 1974, il fait une importante donation de ses créations, au Musée de Blekinge. À Stockholm, le Banque Nationale (Riksbank) lui achète « La Nymhe du Printemps ». En France, il place des statues à l'Ambassade de Suède, au Centre Culturel Suédois (Hôtel de Marle), dans les musées de Bordeaux, de Tours, de Saintes, de Pau et de Mont-de-Marsan. Il est également représenté au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, au Musée des Années trente de Boulogne Billancourt, au Musée d'Alger, ainsi que dans d'autres établissements non répertoriés.

Une de ses grandes ½uvres demeure la statue de Saint-Anschaire, évangélisateur de la Suède, au neuvième siècle. Elle se dresse, en grand format, dans la cour de l'Église Suédoise de Paris et, en petit format, dans les églises jumelées de Corbie, en France, et de Korvei, en Allemagne.

En 1984, a lieu, à Karskrona, la dernière grande exposition rétrospective de sa production.

Gunnar Nilsson s'éteint, le 28 novembre 1995, dans sa maison du Chesnay, près de Versailles, à l'âge de 91 ans.